Sur l’île de Læsø, au large du Danemark, une architecture unique résiste au temps et aux températures : les maisons au toit en algue.
Ces constructions traditionnelles coiffées de zostères marines ont traversé les siècles, bien plus résistantes que la chaume classique, et témoignent d’un savoir-faire ancestral et d’une adaptation ingénieuse aux ressources locales.
Crédit photo camema.
Origine des toits en zostère
L’histoire de ces toits débute à l’époque où Læsø prospérait grâce à l’industrie du sel. L’exploitation intensive du bois pour alimenter les fours a entraîné la disparition des forêts de l’île. Privée de protection contre les vents, Læsø s’est retrouvée envahie par le sable et le sel, rendant la végétation traditionnelle impossible à cultiver.
Privés de bois pour construire ou réparer les toitures, les insulaires se sont tournés vers la ressource la plus abondante à portée de main : la mer. La zostère marine (ou eelgrass) s’est ainsi imposée comme matériau de substitution.
Crédit photo camema.
Technique traditionnelle : matériaux & construction
Les toitures sont formées de bottes denses de zostères, liées et superposées autour de chevrons en bois. Il faut environ 300 kg/m², soit jusqu’à 4 tonnes d’algues pour un toit moyen ! Cette masse, loin de s’envoler à la première tempête, devient une couche compacte, presque imputrescible.
Autrefois, ce sont souvent les femmes de l’île, les fameuses « tangeuses », qui s’occupaient de la récolte, du séchage et de la pose, tressant les fibres comme des étoffes marines.
Crédit photo: seier+seier / Flickr (CC BY 2.0)
• Durabilité remarquable : Certains toits en zostère de Læsø ont plus de 300 ans.
• Propriétés naturelles : Une fois sèches, gorgées de sel, les algues deviennent imperméables et ignifuges.
• Poids conséquent : Il faut environ 300 kg d’algues par mètre carré de toiture.
• Entretien minimal : Contrairement aux toits en gazon, aucune tonte n’est nécessaire
Leur aspect brun-gris et leur épaisseur (parfois jusqu’à 1 mètre) offrent aussi une excellente isolation acoustique. Une véritable prouesse naturelle et artisanale.
Crédit photo: Tomasz Sienicki / Wikimedia (CC BY 3.0)
Déclin et renaissance des maisons au toit en algue
Avec le déclin de la zostère au XXe siècle (due à une maladie des herbiers marins), les toitures d’algues ont presque disparu. Alors qu’à la fin du XVIIIe siècle, Læsø comptait environ 250 maisons et fermes au toit d’algues, en 1990, seules 19 maisons subsistaient. Mais un ambitieux projet de restauration a vu le jour grâce à la fondation Realdania et au cabinet Vandkunsten.
Depuis 2016, plus de 22 toits ont été restaurés, pour un budget avoisinant les 31 millions de couronnes danoises. La Modern Seaweed House, prototype contemporain alliant design et zostère préfabriquée, marque le renouveau de cette technique ancestrale.
Crédit photo: TrineBM / Wikimedia (CC BY-SA 3.0)
Comment ces maisons en algue améliorent-elles l’efficacité énergétique?
Les maisons au toit en algue, comme celles de l’île de Læsø, bénéficient d’une isolation thermique remarquable. Les algues utilisées, notamment la zostère, possèdent une conductivité thermique faible (environ 0,087 W/m·K), ce qui permet de conserver la chaleur à l’intérieur en hiver et de maintenir la fraîcheur en été. De plus, elles désinfectent l’air en libérant des composés bénéfiques comme l’ozone, le zinc, le cobalt et l’iode.
Les toits en algue sont extrêmement durables, pouvant dépasser 150 ans de longévité tout en conservant leurs propriétés isolantes. Leur résistance naturelle aux parasites, à la pourriture et au feu limite les besoins d’entretien et prolonge la durée de vie des bâtiments, ce qui réduit l’impact environnemental global.
L’utilisation des algues comme matériau de construction présente un bilan carbone négatif : elles absorbent plus de CO2 durant leur croissance que la quantité émise lors de leur transformation et leur mise en œuvre. Les algues sont une ressource renouvelable, se régénérant rapidement sans appauvrir l’environnement, contrairement à d’autres matériaux isolants issus de ressources fossiles ou non renouvelables.
Crédit photo camema.
Visiter Læsø et ses maisons en algues
Pour les amateurs de patrimoine insolite et de balades nordiques, Læsø est une perle rare. On peut y visiter la Maison de Hedvig (Hedvigs Hus), véritable musée vivant de la technique, ou le Museumsgården, une ferme restaurée au toit en zostère.
Des circuits balisés proposent de découvrir les « tanghuse », cette version danoise du toit en chaume, en vélo ou à pied. Accès facile depuis Frederikshavn (ferry 90 min), logements locaux disponibles, y compris dans certaines maisons rénovées. La photogénie des lieux est maximale au petit matin, avec le contraste mer-forêt et ces toits massifs à la texture presque animale.
Læsø porte aujourd’hui la candidature à l’UNESCO pour le classement des maisons à toits d’algues au patrimoine immatériel. Un geste fort pour un savoir-faire unique en Europe, en parfait écho aux enjeux contemporains de construction durable.
Crédit photo: Beth / Flickr (CC BY-NC 2.0)
Voici les coordonnées de GPS de l’île de Læsø au Danemark : 57°16’01.2″N 11°00’00.0″E.
Et voici sa position sur Google Maps, presque à mi chemin entre Danemark et Suède même si le Øresundsbron ne passe pas par là:
Quelques autres photos de ces « toits de chaume » danois
Un air aussi marin que les maisons en barques renversées d’ Equihen, voici quelques autres images de ces maisons au toit en algue de l’île danoise de Læsø qui ont survécu:
Crédit photo: Beth / Flickr (CC BY-NC 2.0)
Crédit photo: Vallø / Flickr (CC BY-NC 2.0)
Crédit photo Arrxxx.
Sources pour aller plus loin
Visit Læsø
Vandkunsten
Wired
Amusing Planet
Architecture danoise plus contemporaine, découvrez également le Græshoppebroen, le pont sauterelle.