Le poisson Carapus acus, aussi appelé aurin ou plus familièrement « poisson-thermomètre« , possède un mode de vie aussi surprenant qu’insolite.
Membre de la famille des Carapidae, ce petit poisson translucide d’environ 15 à 20 cm a développé une stratégie unique pour se protéger de ses prédateurs : il vit caché dans l’anus d’un concombre de mer, autrement dit une holothurie.
Crédit photo BBC/youtube.
Une cachette peu banale
Cette relation entre le Carapus acus et l’holothurie n’est pas qu’un fait anecdotique. On parle ici d’une forme de commensalisme, voire parfois de parasitisme selon les circonstances. Le poisson pénètre l’holothurie par son orifice postérieur (oui, l’anus), et s’installe à l’intérieur de sa cavité cloacale.
Contrairement à une idée reçue, il ne se contente pas d’y entrer tête la première : lorsqu’il grandit, il adopte souvent une technique en marche arrière, queue la première. Cela lui permet de se loger confortablement, tout en gardant sa tête près de la sortie pour guetter les dangers… ou les opportunités.
L’anatomie du Carapus acus a même évolué en fonction de ce mode de vie. Son anus est situé juste derrière la tête, ce qui lui permet de déféquer sans souiller son hôte. Malin, non ?
Cette relation est généralement commensale, le poisson profitant de l’abri sans nuire à l’animal hôte, bien que certains individus puissent devenir parasites en consommant les organes internes. Un parasite plus respectueux que la sangsue d’anus d’hippopotame.
Crédit photo Cristina Castillo, Smithsonian Institution.
le concombre de mer : un hôte étonnant
Le concombre de mer, ou boudin de mer, est un animal marin appartenant à la classe des holothuries. Il joue un rôle écologique majeur dans les fonds marins, notamment en recyclant les matières organiques.
Sa particularité la plus étonnante est sa respiration : il utilise son anus pour faire circuler l’eau et extraire l’oxygène, une fonction vitale qui explique pourquoi il ne peut pas fermer cet orifice longtemps. Cette ouverture multifonctionnelle sert aussi d’entrée au poisson-thermomètre.
A noter que le concombre de mer ne peut pas expulser facilement le poisson car il dépend de son anus pour respirer. En revanche, il dispose de mécanismes de défense pour se débarrasser des intrus indésirables, comme l’expulsion de ses intestins ou la production de toxines. Ces stratégies permettent de limiter les effets négatifs lorsque le poisson devient trop envahissant.
Une vie sociale très… intime
La plupart du temps, le Carapus acus vit seul dans son hôte. Cependant, il n’est pas rare d’observer un couple partageant le même logement, parfois jusqu’à trois individus ! Cette cohabitation soulève des questions intéressantes sur la tolérance sociale de l’espèce.
L’holothurie la plus souvent utilisée comme hôte est Parastichopus regalis, bien que Holothuria tubulosa et Holothuria forskali soient aussi des colocataires prisés. En captivité, H. tubulosa semble d’ailleurs être la préférée du Carapus.
Evidemment, dans certaines comme la limace de mer noire géante, il y a de la place pour plusieurs.
IMG_3922wa no pearlfish par Kevin Bryant (CC BY-NC-SA 2.0).
Le poisson-thermomètre, des origines perlières
Le nom anglais de sa famille, « pearlfish », soit poisson-perle, provient d’une découverte étonnante: un individu a été retrouvé enfermé dans la nacre d’une huître perlière.
Presque toutes les espèces de la famille Carapidae vivent comme parasites dans un hôte, que ce soit une holothurie (notamment pour les genres Carapus et Encheliophis), une étoile de mer ou bien une huitre.
Anecdotes étonnantes
• Le Carapus acus peut moduler ses vocalisations à l’intérieur de son hôte, des sons qui pourraient jouer un rôle dans la communication entre congénères ou pour marquer son territoire.
• Il est parfois désigné par des surnoms colorés comme « poisson-fesse » ou « poisson-concombre », qui en disent long sur sa réputation.
• Certains plongeurs rapportent que l’holothurie réagit au mouvement du Carapus en se contractant, ce qui crée une forme de dialogue biologique involontaire.
Vidéos du poisson thermomètre
La limace de mer n’est somme toute un pas si mauvais choix, offrant une belle diversité de l’habitat pour ces squatteurs, voici quelques vidéos de ce facétieux poisson d’anus de concombre de mer:
Sources pour aller plus loin
• Australian Geographic.
• DORIS – Carapus acus
• DORIS – Holothuria tubulosa
Les concombres de mer ne vivent pas toujours en symbiose avec les parasites, découvrez également cette limace de mer capable d’auto-décapitation pour se débarrasser de parasites.