Dans les étendues arides du parc national de Big Bend, une découverte botanique majeure a été faite : une plante inconnue jusqu’alors, surnommée le « Woolly Devil » (diable laineux).
Cette trouvaille marque la première identification d’un nouveau genre et d’une nouvelle espèce de plante dans un parc national américain depuis près de 50 ans.
Crédit photo Debra L. Manley et al. (domaine public)
Une plante unique en son genre
Officiellement nommée Ovicula biradiata, cette plante appartient à la famille des Asteraceae, regroupant les tournesols et les marguerites.
Son nom scientifique reflète ses caractéristiques distinctives : « Ovicula » évoque un « petit mouton » en raison de ses feuilles couvertes de poils blancs épais, tandis que « biradiata » fait référence aux deux pétales rayonnants de chaque fleur.
On l’appelle aussi officieusement « Woolly Devil », en raison de sa fourrure et des rayons en forme de « corne du diable » qui sortent de ses fleurs. Il s’agit évidemment d’une espèce bien naturelle, pas d’une manipulation génétique humaine comme la récente souris laineuse.
Crédit photo Debra L. Manley et al. (domaine public)
Une découverte fortuite
La plante a été repérée pour la première fois en mars 2024 par Deb Manley, une bénévole du parc, et Cathy Hoyt, une superviseure des opérations d’interprétation. En explorant une zone reculée du parc, elles ont remarqué cette petite plante aux feuilles duveteuses et aux fleurs distinctives.
Les photos partagées sur l’application iNaturalist ont suscité l’intérêt des botanistes, menant à une analyse approfondie et à la confirmation de son statut de nouvelle espèce et genre. L’étude a fait l’objet d’une publication sur la revue PhytoKeys en février 2015.
Après avoir obtenu un permis au parc pour prélever des échantillons, les chercheurs ont pris des gros plans de l’anatomie de la plante à l’aide d’un microscope électronique à balayage pouvant grossir jusqu’à 40 000 fois, et ont extrait l’ADN des échantillons.
Isaac Lichter Marck, biologiste évolutionniste des plantes à l’ Académie des sciences de Californie , qui a travaillé sur l’analyse génétique de la nouvelle espèce, explique:
Globalement, l’objectif était de déterminer les liens de parenté entre cette plante intéressante et d’autres espèces connues de tournesols sauvages. Et sur cette base, comment classer cette nouvelle plante ? En gros, il s’agissait de résoudre le mystère du diable laineux.
Résultat: le « Wolly Devil » est apparenté à un groupe de tournesols appelés « herbes à éternuements », sur une branche évolutive à part entière. Une espèce bien différente du classique tournesol et ses jolies fleurs.
Crédit photo Debra L. Manley et al. (domaine public)
Adaptée aux conditions extrêmes
Le « Woolly Devil » prospère dans les sols rocailleux du désert de Chihuahuan, un environnement caractérisé par des conditions climatiques extrêmes. Sa couverture de poils blancs n’est pas seulement esthétique ; elle aide la plante à retenir l’humidité et à se protéger du soleil intense . Elle ne fleurit qu’après des précipitations, rendant ses apparitions rares et précieuses pour les chercheurs.
Bien que la structure florale du diable laineux soit unique, nombre de ses parents et d’autres plantes possèdent des fleurs qui réfléchissent les UV pour attirer les pollinisateurs, comme les insectes. Certains scientifiques émettent l’hypothèse que les rayons du diable laineux sont tout aussi réfléchissants, agissant comme une plateforme d’atterrissage pour les pollinisateurs.
Crédit photo Debra L. Manley et al. (domaine public)
Une espèce vulnérable
Actuellement, Ovicula biradiata est considérée comme vulnérable. Sa distribution limitée et sa dépendance aux conditions météorologiques spécifiques la rendent particulièrement sensible aux changements climatiques. Les scientifiques s’efforcent de mieux comprendre son cycle de vie, ses pollinisateurs et sa capacité à s’adapter aux conditions changeantes.
Les plantes du désert ont tendance à avoir des cycles de reproduction courts, dépendant de pluies régulières, ce qui peut les rendre particulièrement vulnérables au changement climatique. Avec l’assèchement des déserts, le diable laineux pourrait être menacé de disparition avant même que nous ayons eu le temps d’en apprendre davantage à son sujet.
Lichter Marck cite l’exemple du kanaloa hawaïen, découvert en 1992 et éteint à l’état sauvage peu après. On estime que de nombreuses autres espèces disparaîtront avant même d’être documentées, un phénomène connu sous le nom d’extinction anonyme ou obscure .
Crédit photo Debra L. Manley et al. (domaine public)
Sources pour aller plus loin
• PhytoKeys
• National Park Service
• Smithsonian Magazine
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