Le bois, c’est ce matériau qu’on croit connaître : meuble, plancher, tronc. Chez Raul De Lara, sculpteur mexicain-texan, il devient bien plus : une matière vivante qui parle d’identité, de migration, et d’objets ordinaires devenus presque surnaturels.
Cactus transformé en cheval à bascule, une monstera enchaînée, ou encore une échelle couverte d’épines, ses créations racontent à la fois l’enracinement et le déracinement, la douceur du bois et la dureté du monde.
Cavale II – 2023
L’héritage du geste et la magie du matériau
Raul De Lara a grandi dans un atelier familial où le bois était un langage. Fils d’immigrés mexicains installés près d’Austin, il hérite d’un savoir-faire artisanal qu’il détourne aujourd’hui dans une démarche conceptuelle.
Les essences qu’il emploie – noyer, chêne rouge, pin, cèdre ou hêtre – proviennent souvent du Texas et du Mexique, comme un symbole de son identité biculturelle.
Roue de feu – 2025
Loin du simple meuble poli, ses œuvres sont hybrides : à mi-chemin entre la sculpture végétale et le mobilier mutant.
On retrouve dans son travail une sorte de vitalité organique un peu analogue à celle des sculptures de bois “glitch” de Paul Kaptein, où le matériau semble se déformer sous la pensée humaine.
Sans titre – 2021
Quand le mobilier devient manifeste
Une échelle hérissée d’épines ? Une chaise qui semble se défendre ? Chez De Lara, les objets se rebellent. Ils refusent d’être dociles, comme si la matière elle-même voulait dire : « Assez ! ».
Cette révolte douce fait écho à d’autres artistes du bois, comme Camille Kachani, chez qui les meubles se mettent littéralement à pousser, entre humour et inquiétante étrangeté.
La Escalera – 2025
Chez Raul De Lara, le propos est politique. Son statut DACA (programme américain pour jeunes immigrés) nourrit un rapport intime à la notion d’appartenance.
Il dit :
Le travail du bois ne peut pas vous être retiré. Il n’est pas lié à un lieu, à la loi ou à la frontière. Vous le portez avec vous.
Le sculpteur revendique une liberté du geste et de la matière : son atelier devient territoire, et le bois, une patrie portative.
El Mesero – 2025
Nature, design et surréalisme rural
Ce mélange de végétal et de mobilier évoque une nature qui aurait décidé de reprendre ses droits sur les objets humains — un peu comme chez Andreas Senoner, dont les silhouettes sculptées semblent se métamorphoser en racines, ou encore chez Donald Wasswa, dont les créatures de bois semblent surgir d’un futur organique.
Lotion dans vos poumons – 2019
Mais chez De Lara, la dimension narrative est plus intime : il parle d’éducation, de famille, de frontières franchies ou tracées. Son Cactus à bascule, clin d’œil à l’enfance, devient métaphore de l’équilibre fragile entre deux mondes.
Et l’on ne peut s’empêcher de sourire : qui oserait s’y asseoir ?
L’Attente – 2021
L’art du paradoxe
Les sculptures de Raul De Lara ne sont ni purement conceptuelles, ni purement artisanales. Elles oscillent entre poésie et protestation, ancrage et mobilité, végétal et humain.
Elles rappellent que le bois, avant d’être meuble, est un être vivant – et qu’en le sculptant, on dialogue avec un temps plus lent que le nôtre.
Pelle rouillée – 2021
On pourrait dire que De Lara “réconcilie la sève et la scie” : il redonne à la sculpture contemporaine une âme enracinée, sans la priver de sa force critique.
Pour aller plus loin
Son exposition HOST, présentée au The Contemporary Austin jusqu’en janvier 2026, réunit des œuvres étranges et poétiques de l’artiste.
Toutes les photos: crédits Raul De Lara.
• Son site web
• Colossal
• DesignBoom
• American Craft Council
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