Accroché à la montagne, en surplomb de la route de l’Oisans et de la Romanche, le pavillon Keller est une imposante maison sur pilotis qui semble tout droit sortie d’un film… et pour cause !
Ce bâtiment fascinant, à l’architecture singulière, a notamment servi de décor au film Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz.
Crédit photo Le Grenoblois 38 (CC BY-SA 4.0)
Une maison suspendue au-dessus de la vallée
Le pavillon Keller est situé à Livet-et-Gavet, dans le département de l’Isère. Il est impossible de le rater lorsqu’on emprunte la route D1091 menant à Bourg-d’Oisans : perché à flanc de montagne, le bâtiment repose sur de gigantesques pilotis en béton armé qui lui donnent une allure aussi vertigineuse qu’étrange.
Charles Keller, industriel franco-suisse et grand innovateur du début du XXe siècle, et Henri Leleux ont installés leurs ateliers dans la vallée en 1907 pour la fabrication de carbure de calcium, seule source connue d’acétylène à l’époque.
Construit en 1912 à l’initiative de l’industriel Charles Albert Keller, pionnier de la sidérurgie électrique, le pavillon avait pour vocation de loger sa famille, mais aussi d’abriter les ingénieurs et contremaîtres de ses usines. Il reflète une volonté de hiérarchiser l’habitat ouvrier dans cette vallée industrielle.
L’extension du bâtiment date de 1930, et l’ensemble atteint une superficie impressionnante de 1 740 m², répartis sur quatre étages. Une superficie qui lui vaut parfois l’appellation de Manoir Keller.
Crédit photo Le Grenoblois 38 (CC BY-SA 4.0)
Le pavillon Keller, une architecture atypique
Le pavillon Keller a été dessiné par les architectes Jean Benoit et Jean Bonnat. Son style architectural mêle les influences Art nouveau et les contraintes industrielles de l’époque. Ses lignes élégantes contrastent avec la brutalité des pilotis de béton, créant un contraste visuel aussi saisissant qu’original.
Ce contraste a certainement inspiré les réalisateurs du film Les Rivières Pourpres, dans lequel le bâtiment apparaît comme un lieu mystérieux, presque irréel. Il s’agit sans doute de l’un des éléments qui ont contribué à la renommée du site, bien au-delà de la région grenobloise.
Crédit photo Alexandra Elle (CC BY-NC-ND 2.0)
Cette étrange construction a été réalisée en deux étapes à l’initiative de l’industriel Charles Keller qui souhaitait loger sa famille et le personnel de ses usines dans la vallée au début du XXème siècle.
En 1912, il fait construire le bâtiment principal de cette maison par l’architecte, un bâtiment en pierre devant hébergé Keller et sa famille ainsi que ses employés. Une maison hiérarchique, les employés étant logés par étage en fonction de leur position dans l’entreprise tandis que l’ingénieur vivait au dernier étage.
En 1930, il fait réalisé l’agrandissement du bâtiment avec l’extension sur pilotis tout en béton, un promontoire dans lequel se situait son bureau dominant ses usines.
Crédit photo Alexandra Elle (CC BY-NC-ND 2.0)
Abandonné mais pas oublié
Charles Keller est décédé en 1940 et son fils a hérité du patrimoine industriel et de l’étrange maison Keller. Celui-ci a quitté la ville en 1967, cédant ses activités à EDF.
Le pavillon Keller est passé par la suite dans de nombreuses mains et a connu de nombreux projets de rénovation au fil des années mais malheureusement aucun n’a abouti.
Malgré son intérêt architectural et historique, le pavillon est abandonné depuis plusieurs décennies. Plusieurs projets de rénovation ont été évoqués, sans jamais aboutir. Il reste aujourd’hui fermé au public, victime du temps et de l’indifférence administrative.
Classé Patrimoine en Isère, il suscite néanmoins toujours la curiosité des promeneurs et des amateurs d’architecture insolite. Il représente aussi un pan méconnu de l’histoire industrielle de la vallée de la Romanche.
Un bien en vente
Bonne nouvelle pour les amateurs de lieux atypiques : le pavillon Keller est actuellement en vente, pour un prix estimé entre 410 000 et 430 000 euros (contre 480 000 euros précédemment). Le bâtiment a donc un potentiel de réhabilitation, que ce soit pour un projet touristique, culturel ou artistique.
Cette curiosité locale se décrépit au fil des années dans l’attente d’un repreneur qui lui rende un peu de son lustre d’antan ou bien d’un sort plus triste comme celui du château de Noisy.
Le pavillon Keller, comme d’autres bâtiments industriels de la vallée, incarne une époque de foisonnement technique et architectural. Il soulève des questions importantes sur la valorisation du patrimoine industriel, trop souvent oublié ou laissé à l’abandon.
La maison des Rivières Pourpres
Le pavillon est notamment apparu dans Les Rivières Pourpres, film culte sorti en 2000.
Dans le film, il est le lieu d’habitation et de consultation du docteur Chernezé qui connaitra un triste sort. Plusieurs scènes du film y sont tournés, notamment l’une des plus sanglantes dans laquelle les policiers venus l’interpellé découvrent le corps du docteur crucifié (dans le bureau de Keller), surprennent le tueur qui épargne l’un d’eux bien qu’il ait pris son revolver et réussit à s’enfuir (à environ 1h07).
Ce choix de décor est d’autant plus pertinent que la maison, avec son architecture singulière et son histoire industrielle, reflète les thèmes de contrôle et d’eugénisme abordés dans le scénario.
Bien connue de nombreux skieurs et adeptes de la montagne, se trouvant sur la route de stations de ski comme l’Alpe d’Huez ou les Deux Alpes entre Grenoble et Bourg d’Oisans, je l’ai d’ailleurs tout de suite reconnu en voyant le film, elle a hérité du surnom de maison des Rivières Pourpres.
Vidéos du pavillon Keller
Après les igloos sur pilotis de Cap Romano, voici deux vidéos d’urbex explorant ce lieu fantomatique dominant la Romanche:
Voir le manoir Keller
Vous pouvez trouver cette curiosité à l’adresse suivante: 37 Rte de l’Oisans, 38220 Livet-et-Gavet.
Ses coordonnées sont GPS : 45°06’25.1″N 5°55’57.5″E.
Voici sa position sur Google Maps:
Sources pour aller plus loin
• Wikipedia
• Le Dauphiné libéré
• Patrimoine Auvergne-Rhone-Alpes
Autre site industriel abandonné, découvrez également la mine d’argent sous-marine abandonnée de Silver Islet au Canada.