À Dublin, il est une tradition aussi saugrenue que tenace : toucher la poitrine de la statue de Molly Malone pour s’attirer la chance. Située sur Suffolk Street, la sculptrice Jeanne Rynhart l’a inaugurée en 1988. Depuis, elle est devenue l’une des icônes touristiques les plus photographiées – et les plus tripotées – de la capitale irlandaise.
Crédit photo stephensheridan8003.
Une décoloration symptomatique
Le bronze, ce matériau noble qui verdit joliment avec le temps, a vu sa patine disparaître à un endroit très précis : le buste. Sous l’effet des frottements répétés, le bronze s’abîme de façon permanente, provoquant des taches inégales difficiles à restaurer sans interventions coûteuses.
Aujourd’hui, au lieu de dire « regardez les seins sur cette statue », les gens de Dublin sont bien plus enclins à dire « regardez la statue sur ces seins ».
Crédit photo Holger Uwe Schmitt (CC BY-SA 4.0).
L’usure est telle que la statue commence à souffrir physiquement de ces marques d’affection répétées. Une inspection récente a révélé que deux des trois axes de fixation reliant le socle au chariot étaient cassés. En clair : Molly Malone tient debout par miracle.
Le phénomène n’est pas propre à Molly Malone. À Paris, la tombe du journaliste Victor Noir au Père-Lachaise fait l’objet d’attentions tout aussi directes sur une partie bien précise de sa statue, et ce, depuis près de 150 ans. Bizarrement, personne n’a encore tenter de se frotter au Bud Spencer de Budapest.
Crédit photo chrisdorney.
Des stewards contre les tripotages
Depuis mai 2025, la municipalité a pris les choses en main. Des stewards patrouillent autour de la statue pour dissuader les touristes de reproduire le geste devenu viral. Une mesure test, dans l’espoir d’éviter un plan plus radical : le déplacement de la statue, voire son installation à l’intérieur d’un musée.
Parmi les idées plus poétiques à l’étude : créer un parterre de fleurs autour de la statue pour servir de barrière douce. Une tentative d’endiguer le flot de mains baladeuses sans altérer l’esthétique du lieu.
La statue devrait être temporairement déplacée afin de restaurer sa patine et de remplacer les fixations défectueuses. Une opération qui pourrait durer de une à deux semaines, selon les services techniques.
Crédit photo William Murphy (CC BY-SA 2.0).
Qui était Molly Malone
Molly Malone est un personnage semi-légendaire du folklore irlandais. Elle aurait vécu à Dublin au XVIIe siècle, exerçant le métier de poissonnière le jour et, selon certaines versions de la chanson populaire qui l’immortalise, celui de prostituée la nuit. Sa renommée vient de la ballade « Cockles and Mussels » (ou « Molly Malone »), devenue l’hymne officieux de Dublin. Le refrain « Alive, alive oh! » résonne encore dans les rues de la ville, chanté par des générations de Dublinois et de touristes émus.
Crédit photo Let Ideas Compete (CC BY-NC-ND 2.0).
A l’instar de Jeanne Hachette à Beauvais, il n’existe aucune preuve historique de l’existence réelle de Molly Malone, mais son mythe est bien vivant. Elle incarne à la fois la femme du peuple, travailleuse, courageuse, et une forme d’icône populaire un brin sulfureuse. Cette dualité contribue à son charme intemporel.
La légende dublinoise de Molly a d’ailleurs traversé les océans, de nombreux artistes célèbres ont repris sa chanson et son personnage comme Renaud ou Hughes Aufray. Côté cinéma, Arya Stark y fait aussi référence dans un des épisodes de la saison 5 de Game of Thrones.
Crédit photo WHPics.
Sources pour aller plus loin
Wikipédia
The Guardian
Independent
The Irish Times
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