Louise Bourgeois, artiste franco-américaine née à Paris en 1911 et décédée en 2010 à New York, est l’une des figures les plus marquantes de l’art contemporain.
Sculptrice de l’intime, architecte du subconscient, elle a su transformer ses traumatismes d’enfance en œuvres puissantes, parfois monumentales, souvent déroutantes, mais toujours profondément humaines.
Crédit photo Oliver Mark / CC BY-SA 4.0.
Une enfance cousue de fil noir (et de tapisserie)
Fille de restaurateurs de tapisseries, Louise Bourgeois baigne très tôt dans un univers fait de fils, de motifs anciens et de réparations minutieuses. Cette initiation précoce à l’artisanat textile n’est pas anodine : elle influencera toute son œuvre, notamment ses installations en tissu et ses sculptures arachnéennes.
Mais derrière les tapisseries se cache une trame plus sombre : une mère malade, un père autoritaire et volage, et une gouvernante anglaise qui devient la maîtresse officielle de ce dernier. Un cocktail familial hautement inflammable, que Bourgeois digérera à sa manière : en sublimant le traumatisme dans l’art. Elle dira d’ailleurs : « L’art est une garantie de santé mentale. » On veut bien la croire.
Le Regard – Crédit photo Minke Wagenaar (CC BY-SA 2.0).
De Paris à New York : la mue d’une artiste
Après des études de mathématiques à la Sorbonne, elle bifurque vers les Beaux-Arts et fréquente des ateliers prestigieux comme celui de Fernand Léger. En 1938, elle épouse l’historien de l’art américain Robert Goldwater et s’installe à New York.
Là, tout change. Louise abandonne la peinture pour la sculpture, un médium plus physique, plus viscéral. Elle modèle, découpe, assemble, coud, empile.
Ses premières œuvres tridimensionnelles explorent les tensions entre le corps et l’esprit, le vide et le plein, le dur et le mou. Oui, Bourgeois est déjà dans la dualité, dans l’ambivalence. Et spoiler alert : elle n’en sortira jamais.
Crédit photo Sam Rodgers (CC BY-NC 2.0).
L’araignée, c’est maman
L’icône absolue de son œuvre est probablement l’araignée. Et pas n’importe laquelle : Maman, sculpture de plus de 9 mètres de haut, en acier et bronze, exposée dans le monde entier. Pour Bourgeois, l’araignée symbolise sa mère, tisserande protectrice, patiente et forte. Un hommage bouleversant et paradoxalement rassurant à un animal souvent mal aimé.
Dans cette araignée géante, on retrouve toutes les obsessions de l’artiste : la maternité, la réparation, la filiation, la mémoire. Loin d’être effrayante, cette créature devient une sentinelle bienveillante. De quoi réconcilier les arachnophobes avec les sculptures contemporaines (ou presque).
Crédit photo ramonespelt1.
Elle disait d’ailleurs de sa mère:
Elle était réfléchie, intelligente, patiente, apaisante, raisonnable, délicate, subtile, indispensable, soignée et aussi utile qu’une araignée.
D’autres avaient toutefois déjà auparavant réalisé des araignées géantes, parfois même avec des coccinelles VW.
Crédit photo vampy1.
Un art de l’intime, viscéral et féministe
Louise Bourgeois a osé aborder des thèmes tabous bien avant qu’ils ne soient dans l’air du temps : sexualité, maternité, abandon, trahison, vieillesse. Elle a créé des pièces fortes comme “Cell (You Better Grow Up)” ou encore “The Destruction of the Father”, où se mêlent objets du quotidien, matériaux souples, cages, tissus et formes organiques. Un univers entre cabinet psychanalytique et conte sombre pour adultes.
Son travail a ouvert la voie à toute une génération d’artistes femmes (et hommes), en assumant la subjectivité comme force créative. Car Bourgeois ne voulait pas plaire, mais dire. Pas séduire, mais raconter. Ses sculptures sont des récits, ses installations des confessions sculptées.
“The Destruction of the Father” – Crédit photo Louise Woodcock (CC BY-NC 2.0).
Une œuvre titanesque, un héritage vivant
Jusqu’à sa mort à 98 ans, Bourgeois n’a jamais cessé de créer. Elle a utilisé le dessin, la gravure, le textile, les installations immersives… Son atelier new-yorkais, transformé en fondation, est devenu un sanctuaire de la création.
Aujourd’hui encore, ses œuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde – du MoMA à la Tate Modern, en passant par le Centre Pompidou. Et ses célèbres araignées continuent de captiver le public, entre fascination et malaise.
Crédit photo Jeangagnon (CC BY-SA 4.0).
Pour aller plus loin:
• MoMA – Louise Bourgeois
• Tate – Louise Bourgeois
• Wikipedia (en anglais) – Louise Bourgeois
Sculptures géantes, découvrez également les impressionnantes créations surréalistes de Daniel Popper.
On sent dans les œuvres de Louise Bourgeois tout le ressenti négatif contre son père et un amour profond pour sa mère qui malgré sa fragilité lui apporte protection C’est dans l’enfance que tout se joue. ‘´ l’enfance fait l’être ‘´