Quand on évoque l’art contemporain, on pense rarement à des coquillages. Et pourtant, Rowan Mersh a su faire chanter ces trésors marins dans des compositions époustouflantes, flirtant avec la sculpture, la broderie, et l’architecture organique.
Diplômé du Royal College of Art à Londres, cet artiste britannique s’est taillé une place à part en transformant des milliers de coquilles en œuvres sensuelles, graphiques, et hautement techniques. À première vue, on jurerait du textile. Mais de près, ce sont des centaines de fragments marins polis, taillés et assemblés à la main avec une minutie chirurgicale.
« Asabikeshiinh Praegressus » 2017, 40cm x 60cm x 48cm.
Coquilles de turritella, fluorocarbone. Source Gallery Fumi
L’alchimie du naturel
Mersh ne se contente pas de ramasser quelques coquilles sur la plage. Ses matériaux sont rigoureusement sélectionnés, sourcés de manière durable, et utilisés en séries homogènes. Une sculpture ne comporte qu’un seul type de coquillage, qu’il s’agisse de Turritella, de dentalium, ou de placuna (l’étonnante huître fenêtre translucide).
Ce choix esthétique crée une harmonie visuelle saisissante. Mais il a aussi un effet hypnotique : les formes ondulent, se plissent, s’enroulent comme des vagues de soie figées dans le temps.
Une œuvre, des mois de travail
Derrière chaque sculpture, il y a des centaines d’heures de travail. Chaque coquille est poncée, taillée, polie, puis positionnée à la main selon une logique presque chorégraphique. Le résultat évoque tantôt des coraux, tantôt des tissus drapés ou des structures biomimétiques.
Rowan Mersh ne suit aucun plan préétabli. Il “écoute” les coquilles, dit-il. Leurs formes, leurs aspérités, leur densité orientent la composition finale. On est loin de l’artiste qui impose sa volonté à la matière ; ici, c’est un dialogue, presque une négociation silencieuse avec la nature.
Il explique:
Lorsque je commence un nouveau projet, je réalise d’abord un petit échantillon pour comprendre comment travailler au mieux avec le matériau. Mon objectif dans chaque projet est de révéler la beauté véritable, et souvent cachée, du matériau que j’utilise, et je pense que cela n’est possible qu’en écoutant le matériau dès le premier jour.
Une œuvre qui raconte des histoires
Certaines pièces prennent même racine dans des traditions culturelles. La série Pithváva, réalisée avec des coquilles de dentalium, fait référence aux pratiques des Premières Nations d’Amérique du Nord, où ces coquillages étaient utilisés comme monnaie sacrée. Avec Asabikeshiinh, Mersh évoque les capteurs de rêves de la culture ojibwa, où la “femme-araignée” tisse ses filets protecteurs.
Loin d’un simple esthétisme décoratif, ses sculptures racontent donc quelque chose du monde. Elles lient l’organique à l’histoire, l’artisanat à la symbolique.
Une reconnaissance bien méritée
Son travail a été récompensé à plusieurs reprises, notamment par le prix Moët Hennessy (2016), et exposé dans de prestigieuses galeries comme Gallery FUMI. Certaines œuvres ont même intégré les collections du Victoria and Albert Museum ou du Crafts Council.
Des pièces comme Placuna Pro Dilectione Mea ou Asabikeshiinh II ont marqué les esprits par leur fluidité presque liquide, alors même qu’elles sont constituées d’éléments rigides et tranchants. C’est cette contradiction qui rend l’œuvre de Mersh si fascinante : donner à la dureté l’apparence du doux.
Quelques œuvres de Rowan Mersh
Alors que d’autres comme Chelsea Shiels en font des couronnes, voici quelques exemples de sculptures de coquillages par Rowan Mersh, en images:
« Asabikeshiinh Praegressus » 2017, 40cm x 60cm x 48cm.
Coquilles de turritella, fluorocarbone. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus I » 2017, 40cm x 21cm x 27.5cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus I » 2017, 40cm x 21cm x 27.5cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus I » 2017, 40cm x 21cm x 27.5cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Asabikeshiinh V » 2017, 155cm x 137cm x 0.07cm. Doxander Vittatus, Fluorocarbone. source Gallery Fumi
« Asabikeshiinh V » 2017, 155cm x 137cm x 0.07cm. Doxander Vittatus, Fluorocarbone. source Gallery Fumi
« Asabikeshiinh V » 2017, 155cm x 137cm x 0.07cm. Doxander Vittatus, Fluorocarbone. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus II » 2017, 30cm x 19cm x 17cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus II » 2017, 30cm x 19cm x 17cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Pithváva Praegressus II » 2017, 30cm x 19cm x 17cm. Dentalium. source Gallery Fumi
« Placuna Praegressus Mini » 2017, 29cm x 17cm x 20cm. Huitres. source Gallery Fumi
« Placuna Praegressus Mini » 2017, 29cm x 17cm x 20cm. Huitres. source Gallery Fumi
« Echinothrix Imaginem Sui » 2017. 125cm x 80cm x 27cm. Épines d’oursins de la mer du tigre. source Gallery Fumi
« Echinothrix Imaginem Sui » 2017. 125cm x 80cm x 27cm. Épines d’oursins de la mer du tigre. source Gallery Fumi
« Placuna Pro Dilectione Mia II » 2018, 92 cm x 9 cm. Coquilles d’huîtres. source Gallery Fumi
« Placuna Pro Dilectione Mia II » 2018, 92 cm x 9 cm. Coquilles d’huîtres. source Gallery Fumi
Une poésie marine à fleur de coquille
À l’heure du plastique omniprésent (même pour le bernard-l’ermite) et de l’art jetable, l’approche de Rowan Mersh résonne comme un retour au vivant, à la patience, à l’infime. Il nous rappelle que même les coquilles oubliées sur le sable peuvent, entre de bonnes mains, se muer en chef-d’œuvre.
Son travail touche autant les amateurs d’art contemporain que les amoureux de la mer ou les passionnés de textures. C’est à la fois beau, durable, et profondément original. Et soyons honnêtes : qui aurait cru qu’un oursin ou une huître pouvait être aussi… sculptural ?
Sources pour aller plus loin
• Site web de l’artiste
• Galerie Fumi
• Design Boom
• My Modern Met
D’autres s’inspirent des coquillages pour des sculptures comme celles de Casa de las Conchas, le manoir des coquillages de Salamanque.
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