Quand on parle de faune japonaise, on pense volontiers aux cerfs de Nara ou aux macaques des sources chaudes… mais rarement au chien raton laveur, ce drôle de canidé qui oscille entre réalité biologique et folklore légendaire. Connu au Japon sous le nom de tanuki, cet animal discret étonne autant les biologistes que les amateurs d’insolite.
Crédit photo kwasny222.
Un canidé pas comme les autres
Ce chien raton laveur (Nyctereutes viverrinus) ressemble à un raton laveur, mais n’en est pas un. Ce n’est pas non plus un renard ou un loup déguisé. C’est un canidé à part, endémique du Japon, qui partage des traits physiques avec plusieurs espèces sans appartenir vraiment à aucune d’elles. Il affiche une silhouette trapue, un museau court, des oreilles rondes et une queue courte. Sa fourrure épaisse lui donne cette apparence « masquée » typique.
Crédit photo Cloudtail the Snow Leopard (CC BY-NC-ND 2.0).
Fait étonnant : contrairement à la majorité des canidés, il est capable de grimper aux arbres ou d’occuper les terriers abandonnés. Un canidé aux talents multiples, qui se rapproche davantage du renard par ses comportements. Espérons que ses talents de grimpeur ne le mettent pas dans des situations embarrassantes comme les ratons-laveurs.
Crédit photo Emily (CC BY-SA 2.0).
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Habitat et mode de vie
Le tanuki, aussi appelé chien viverrin, vit principalement au Japon, notamment sur Honshū, Shikoku et Kyūshū. Il affectionne les forêts mixtes, les lisières boisées et les zones agricoles, mais n’hésite pas à s’installer près des villages et des villes. Opportuniste et omnivore, il se nourrit d’un peu de tout : amphibiens, insectes, petits mammifères, fruits et restes humains. C’est cette flexibilité écologique qui explique sa bonne adaptation aux milieux anthropisés.
Le tanuki est aussi un animal plutôt discret, principalement nocturne. Les couples sont généralement monogames : ils élèvent ensemble une portée de 4 à 6 petits après une gestation d’environ 60 à 70 jours.
Crédit photo kwasny222.
Très timide, le tanuki communique surtout par des marques olfactives, des grognements et des jappements discrets. Il sort la nuit pour se nourrir, rentre avant le lever du soleil et se cache la journée dans les fourrés ou les troncs creux, pour éviter ses prédateurs.
Ces animaux supportent très bien le froid grâce à leur pelage épais. Dans les régions les plus froides du Japon, ils hibernent, blottis dans leur terrier plusieurs semaines, jusqu’au retour du printemps.
Crédit photo Luis Hatakeda (CC BY-NC-SA 2.0).
Le chien raton laveur dans le folklore japonais
Ce n’est pas qu’un animal, cité parmi cette liste d’animaux insolites, c’est une légende vivante. Le mot « tanuki » trouve peut-être son origine dans le vieux japonais tanoke, qui signifie « esprit des champs » et dans le folklore nippon, le tanuki est un esprit farceur, doté de pouvoirs de métamorphose. Il peut se transformer en humain, en objet, en bonze ou même en théière selon les histoires. On le retrouve fréquemment en statues à l’entrée des restaurants ou commerces japonais : ventre rebondi, bouteille de saké à la main et chapeau de paille sur la tête.
Cette aura culturelle explique pourquoi il est bien plus connu au Japon que dans le reste du monde. S’il est parfois perçu comme un farceur naïf et sympathique, à l’opposé du renard (kitsune) rusé et parfois dangereux, il incarne surtout la chance, la joie de vivre et la bonne humeur.
Crédit photo Josh More (CC BY-NC-ND 2.0).
Il est surtout célèbre pour sa capacité à se métamorphoser en objets ou en humains afin de tromper les gens. Par exemple, une légende populaire raconte qu’un tanuki s’est transformé en théière pour échapper à un chasseur, ou encore qu’il pouvait créer de fausses pièces de monnaie pour régler ses dettes.
On lui attribue également des pouvoirs magiques comme invoquer des illusions, faire des tours de passe-passe, allumer du feu avec sa queue, et produire des sons mystiques en frappant son grand ventre, qui ressemble à un tambour. Ces facultés expliqueraient certains phénomènes naturels étranges perçus dans les forêts japonaises la nuit.
Crédit photo Cloudtail the Snow Leopard (CC BY-NC-ND 2.0).
Parmi les contes les plus célèbres mettant en scène le tanuki, on trouve :
• « Bunbuku Chagama » : l’histoire d’un tanuki transformé en bouilloire pour récompenser un vieil homme qui l’avait sauvé. Cette bouilloire magique devient une attraction lucrative pour le vieil homme ;
• « Kachi-kachi Yama » : un tanuki malfaisant qui embête un fermier, tue sa femme, puis se fait punir par un lapin rusé qui lui inflige plusieurs châtiments jusqu’à sa mort par noyade.
Dans certaines légendes plus sombres, le tanuki peut même se montrer vengeur et cruel, n’hésitant pas à tuer ou voler, mais il est le plus souvent perçu comme un farceur maladroit, bon enfant, et symbole de joie de vivre malgré ses bêtises. Au fil des siècles, son image est passée d’une créature malveillante à un yōkai sympathique et populaire dans la culture japonaise.
Crédit photo Cloudtail the Snow Leopard (CC BY-NC-ND 2.0).
Conservation et menaces
L’espèce est actuellement classée « préoccupation mineure » par l’UICN. Sa population reste stable, mais plusieurs menaces persistent : fragmentation des habitats, chasse locale, et surtout collisions routières — car l’animal a la curieuse habitude de se figer pour « faire le mort » quand une voiture approche. (Spoiler : ce n’est pas une stratégie très efficace sur l’asphalte…)
Dans les villages, il est apprécié pour sa douceur et son lien avec la culture locale – même si certains agriculteurs le considèrent comme un nuisible quand il s’attaque aux poules ou aux cultures. Attention cependant : le tanuki reste un animal sauvage qui ne supporte pas la captivité, peut transmettre des maladies, et ne s’adapte pas à la vie domestique. Tenter d’apprivoiser un tanuki est une mauvaise idée : il est bien mieux dans la nature, là où il peut continuer à nous observer en toute discrétion.
Crédit photo Byeeee byeeee (CC BY-NC-ND 2.0).
Introduit à l’origine en Russie pour renforcer le commerce du piégeage au début du XXe siècle, le chien viverrin s’est répandu dans toute l’Europe, où il est considéré comme une espèce envahissante qui menace la biodiversité.
Ses caractéristiques biologiques en font aussi un modèle d’étude intéressant pour la compréhension de l’évolution des canidés primitifs. Il est considéré comme une espèce basale, c’est-à-dire l’une des espèces les plus proches de ses ancêtres. Il y a des milliers d’années, la plupart des chiens ressemblaient probablement davantage au tanuki qu’à notre animal de compagnie moderne.
Crédit photo kwasny222.
Vidéo du chien raton laveur
Loin de faire la taille du Irish Wolfhound, voici une vidéo sur ce racoon dog, chien raton laveur, nippon:
Sources pour aller plus loin
Wikipédia
Canids.org
Treehugger
Ryojin
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