À deux pas de la porte d’Herculanum, en dehors de l’enceinte urbaine de Pompéi un peu après la ville de Diomède, se trouve la Villa des Mystères, l’une des résidences les plus intrigantes de l’Antiquité. Construite au IIᵉ siècle avant J.-C., elle incarne à la fois le luxe des élites et l’ingéniosité architecturale romaine. Recouverte par l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.-C., elle a miraculeusement conservé des fresques d’une intensité rare, redécouvertes seulement en 1909.
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Une demeure entre prestige et agriculture
La villa illustre parfaitement le mode de vie aristocratique. Ses propriétaires bénéficiaient d’espaces raffinés, comme un atrium ouvrant sur un tablinum destiné aux réceptions, ou encore des chambres décorées de fresques dans des styles variés. Mais elle n’était pas qu’un lieu de faste : après le séisme de 62 ap. J.-C., certains espaces ont été transformés en zones agricoles, avec pressoirs et celliers, preuve que la résidence conjuguait confort, prestige et exploitation des terres environnantes.
L’ensemble s’organisait autour d’un péristyle orné de colonnes doriques et de jardins aménagés en terrasses, tandis qu’un cryptoportique soutenait les parties bâties sur la pente. Cette alliance de technique et d’esthétique rappelle combien les Romains savaient adapter leurs demeures à la topographie tout en affirmant leur statut social.
Crédit photo Mentnafunangann (CC BY-SA 3.0).
Le chef-d’œuvre de la salle 5
La gloire de la Villa des Mystères réside dans la salle dite “5”, décorée vers 70-60 av. J.-C. par un cycle pictural monumental. Sur près de dix-sept mètres de long, une procession de personnages grandeur nature se déploie dans un rouge profond, symbole de richesse et de prestige. Ces mégalographies impressionnent par leur réalisme : femmes drapées, figures divines, gestes dramatiques, objets rituels et même une atmosphère d’attente, parfois tendue, parfois extatique.
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Ces fresques restent énigmatiques. Certains, comme Gilles Sauron et la majorité des archéologues, y voient une initiation dionysiaque à l’instar des fresques de la Casa del Tiaso, liée au culte de Bacchus et à ses rites secrets soulignant des scènes de peur, d’extase et de renaissance symbolique.
D’autres, comme Paul Veyne, interprètent la séquence comme une préparation au mariage, où une jeune femme traverse symboliquement les étapes de son passage à la vie adulte.
Enfin, une lecture plus symbolique évoque un parcours initiatique universel, où peur, souffrance et transformation s’enchaînent jusqu’à l’intégration au groupe. L’absence de texte explicatif laisse planer un mystère qui nourrit encore aujourd’hui les débats.
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Voici une vue de ces fresques énigmatiques de la Villa des Mystères prise par mes soins:
Couleurs et techniques
Le rouge pompéien domine la salle, éclatant et presque hypnotique. Ce pigment, obtenu à partir de cinabre, était l’un des plus coûteux de l’époque. La technique de la fresque, qui consistait à appliquer les pigments sur un enduit encore humide, a permis aux couleurs de traverser deux millénaires sans s’effacer totalement. L’illusionnisme du Second Style, avec ses colonnes peintes et ses effets de profondeur, renforce l’impression d’entrer dans un espace sacré, entre théâtre et rituel.
Crédit photo Eric Baker (CC BY-NC-SA 2.0).
Redécouverte et restaurations
Exhumée au début du XXᵉ siècle, la villa a rapidement été étudiée et protégée. Dans les années 1930 déjà, des campagnes de consolidation avaient permis de sauvegarder les fresques les plus fragiles. Plus récemment, entre 2013 et 2015, une vaste restauration a redonné éclat aux couleurs, renforcé les enduits et mis en place des dispositifs de protection contre l’humidité. Ces interventions permettent aujourd’hui aux visiteurs d’admirer les fresques presque telles qu’elles étaient visibles à l’époque romaine, dans toute leur puissance expressive.
Outre la salle des fresques, on y admire de nombreuses peintures murales du « second style » et un système hydraulique sophistiqué, témoignant du raffinement quotidien des élites romaines. Les romains aimaient l’eau et le luxe, en témoigne également ce complexe thermal de la Regio IX.
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Mystères non résolus
Malgré les recherches, plusieurs zones d’ombre demeurent. On ignore l’identité exacte des propriétaires : un sceau mentionne un certain L. Istacidius Zosimus, mais son rôle reste incertain. La fonction des fresques n’est pas tranchée non plus, entre rituel religieux, célébration matrimoniale ou simple allégorie artistique. Enfin, la question de l’ameublement et des objets disparus, qui accompagnaient autrefois ce décor peint, nourrit encore l’imagination des archéologues.
C’est cette part d’incertitude, mêlée à la puissance esthétique, qui fait de la Villa des Mystères un site incontournable de Pompéi.
Crédit photo MentNFG (CC BY-SA 4.0).
Visiter la Villa des Mystères de Pompéi
Pour visiter la Villa des Mystères, il ne faut pas prendre le billet Pompeii Express mais le billet avec les extensions des villas suburbaines. Il faut ensuite rester dans l’enceinte de Pompéi pour cheminer vers la villa qui se trouve tout au bout, après la nécropole et la villa de Diomède. Ne faites pas comme moi, ne vous fiez pas à Google Maps pour l’itinéraire car il fait bizarrement sortir de l’enceinte!
Ses coordonnées GPS sont: 40°45’14.06″N, 14°28’39.32″E.
Voici sa position sur Google Maps:
Sources pour aller plus loin
• Wikipédia
• VisitPompei.net
• Persée
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