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La catastrophe d’Osoaviakhim-1 : tragédie dans la stratosphère soviétique

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Osoaviakhim-1 est un ballon stratosphérique soviétique qui a connu une fin tragique dans les années 1930.

Alors que les États-Unis et l’Union soviétique rivalisaient pour la suprématie dans l’exploration à haute altitude, ce vol devait marquer une étape significative pour l’URSS. Cependant, avant même les premières étapes de l’ascension, des défauts de conception évident était présents et le destin du ballon s’est conformé à ces mauvais augures.

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Osoaviakhim-1 par le peintre russe Georgy Bibikov.

Auguste Piccard relance le ballon

Entre 1930 et 1932, le scientifique et célèbre explorateur Auguste Piccard, qui a inspiré Tryphon Tournesol à Hergé, a suscité un regain d’intérêt pour l’exploration stratosphérique en effectuant plus de deux douzaines de voyages avec son ballon.

Cette période a marqué la redécouverte du potentiel des ballons, éclipsé par l’avènement de l’aviation. Les prouesses du savant suisse ont inspiré les États-Unis et l’Union soviétique à lancer leurs propres projets de ballons à haute altitude.

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Bundesarchiv, Bild 102-10376, Luftballon für Stratosphärenforschung Bundesarchiv par Bild 102-10376 (CC-BY-SA 3.0).

Le succès de URSS-1

L’armée de l’air soviétique a mobilisé divers experts de divers domaines, notamment des concepteurs et des professeurs de l’Institut central d’aérohydrodynamique, ainsi que du personnel de l’Institut des forces aériennes et de l’Académie de l’armée de l’air de Joukovski.

La consolidation de pratiquement toutes les compétences disponibles et la gestion de projets militaires ont finalement abouti à une conception robuste et sûre : l’URSS-1.

Le 30 septembre 1933, l’URSS-1, ce ballon stratosphérique de l’armée de l’air soviétique, a décollé avec succès et atteint une altitude de 18,5 kilomètres. Bien que ce record d’altitude n’ait pas été officiellement reconnu, il a bénéficié par d’une large publicité par Joseph Staline qui a attribué le succès du vol à la Révolution prolétarienne et au Parti communiste.

Osoaviakhim-1

Lancé en même temps que URSS-1, le projet Osoaviakhim-1 parrainé par l’organisme de formation paramilitaire Osoaviakhim a connu un peu de retard, les financements arrivant de façon privilégié au projet militaire. Un troisième projet mené par le comité national de météorologie existait également mais a été abandonné rapidement.

Ce programme était dirigé par Andrey Vasenko, ingénieur de l’Institut de photographie aérienne de Leningrad, et le ballon a été conçu différent de URSS-1 bien que ce dernier était d’une conception robuste.

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Osoaviakhim-1 mesurait 24 940 mètres cubes, pesait 2 460 kilogrammes à pleine charge et souffrait de défauts flagrants.

Par exemple, le plan d’urgence pour l’équipage impliquait de sauter à l’aide de parachutes personnels, sorte de saut de l’espace de Felix Baumgartner avant l’heure. Cependant, la trappe hermétique destinée à leur sortie était sécurisée par douze écrous à oreilles, ce qui rendait son ouverture, même dans des conditions stables, une tâche fastidieuse et longue d’autant plus en cas d’urgence. De plus, l’absence de combinaisons pressurisées et d’appareils respiratoires individuels rendait le sauvetage à haute altitude difficile.

La télécabine, construite sans le renforcement d’un cadre structurel, reposait sur des fines tôles soudées. Outre l’équipage et les systèmes de survie, elle transportait une tonne de lest de plomb dans des enceintes hermétiques. Malgré une goulotte de déchargement de ballast correctement scellée, le processus de déchargement était excessivement lent, nécessitant une heure pour libérer une tonne de lest. Cette conception inefficace compromettait la capacité de l’équipage à réagir rapidement en cas d’urgence, limitant leur capacité à expulser rapidement le ballast pour ralentir la descente.

Un décollage sous la pression d’un record

L’Osoaviakhim-1 était censé avoir un lancement fin 1933, mais la date a été repoussée au 30 janvier 1934, coïncidant avec le 17e Congrès du Parti communiste à des fins de propagande.

L’altitude maximale était initialement fixée à 20 000 mètres mais le jour de son lancement Osoaviakhim-1 a été équipé de 180 kilogrammes de lest supplémentaire pour lui permettre d’atteindre une altitude encore plus élevée. L’objectif était de battre le record établi par les Américains deux mois auparavant avec leur ballon « Century of Progress » qui avait atteint 18 665 mètres d’altitude.

Osoaviakhim-1 était piloté par un équipage de trois membres dirigé par le commandant Pavel Fedoseenko, un aérostier vétéran qui avait effectué plus d’une centaine de vols à son actif sur des ballons d’observation captifs pendant la Première Guerre mondiale et la guerre civile russe. En 1925, Fedoseenko et Alexander Friedmann ont établi un record national d’altitude de 7 400 mètres, et en 1927, Fedoseenko a établi un record national d’endurance en solo de près de 24 heures sur un ballon.

Andrey Vasenko lui-même était sur le vol en qualité d’ingénieur navigant. Le troisième membre de l’équipage était l’opérateur d’instruments Ilya Usyskin qui a conçu de nombreux instruments scientifiques portables et légers pour les ballons stratosphériques.

Osoaviakhim-1 a décollé le matin du 30 janvier depuis l’aérodrome de l’armée de l’air de Kuntsevo.

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Osoaviakhim-1 se prépare à s’envoler.

Peu après une heure d’ascension, l’engin a atteint 17 700 mètres avec une enveloppe du ballon dilatée pour former une sphère presque parfaite, et à 19 500 mètres, elle s’est étirée, incapable de s’étendre davantage.

Des explorateurs trop gourmands

À ce moment critique, l’équipage aurait dû amorcer la descente et revenir en toute sécurité sur Terre.

Cependant, Fedoseenko a insisté pour monter encore haut. Il a largué 310 kilogrammes de ballast et le ballon, allégé, s’est envolé de 1 000 mètres supplémentaires. Planant désormais à 20 500 mètres, l’équipage a atteint un instant plus tard le point de non-retour.

À 20 500 mètres, Osoaviakhim-1 transportait juste assez de lest pour stabiliser la vitesse de descente. La poursuite de l’ascension et la perte inévitable d’hydrogène ont rendu ce ballast insuffisant. Leur seul espoir résidait dans l’évacuation à l’aide de parachutes personnels, à condition qu’ils puissent ouvrir la trappe peu pratique.

Après près d’une heure à 20 600 mètres, Osoaviakhim-1 a de nouveau grimpé, atteignant 22 000 mètres.

Si l’air dans la stratosphère est mille fois moins dense qu’au niveau de la mer, il est riche en ozone, un gaz à effet de serre, qui absorbe l’énergie du rayonnement ultraviolet du soleil et se réchauffe. En conséquence, la température dans la stratosphère augmente à mesure que l’on s’élève. C’est exactement le contraire du comportement dans la troposphère, la basse atmosphère, où les températures chutent avec l’altitude.

L’équipage d’Osoaviakhim-1 était probablement familier avec les conditions atmosphériques uniques de la stratosphère. Cependant, ce qu’ils n’avaient peut-être pas prévu, c’était le réchauffement rapide de l’hydrogène gazeux à l’intérieur de leur ballon. Le gaz chauffé s’est dilaté au-delà de la capacité géométrique du ballon, provoquant une fuite d’excès de gaz par les soupapes de sécurité.

Après avoir passé 12 minutes à l’altitude la plus élevée, l’équipage a ouvert la soupape de décharge de gaz pour amorcer la descente.

Cependant, le gaz chauffé, soutenu par sa dilatation thermique, a défié l’attraction de la gravité, prolongeant la descente jusqu’à plus de deux heures avant d’atteindre 18 000 mètres. À mesure que le ballon refroidissait lors de sa descente, le gaz restant se contractait, entraînant une déficience catastrophique de flottabilité.

Au moment où ils sont arrivés à 13 000 mètres, une quantité importante de gaz avait été libérée, laissant la force de levage de l’hydrogène restant à seulement 1 300-1 400 kilogrammes alors que le poids du ballon dépassait les 2 000 kilogrammes.

A 12 000 mètres, l’accélération verticale est devenue incontrôlable et le ballon a commencé à se désintégrer. À environ 2 000 mètres, les câbles de suspension se sont brisés et la cabine s’est écrasée près du village de Potizh-Ostrov, à environ 470 kilomètres à l’est du site de lancement.

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La cabine écrasée d’Osoaviakhim-1.

Les trois occupants ont été tués dans l’impact à grande vitesse.

La catastrophe d’Osoaviakhim-1, une réussite prolétarienne

Malgré l’échec et le crash du ballon, Staline a utilisé la catastrophe à des fins politiques, transformant la tragédie en une campagne de propagande, le succès du vol attribué à la Révolution prolétarienne.

Cependant, le rapport officiel a imputé la catastrophe à l’équipage pour son imprudence dans la tentative de battre des records à des altitudes extrêmes. Ce blâme contrastait avec la tentative du gouvernement soviétique de s’approprier le mérite d’un vol réussi tout en rejetant la responsabilité sur l’équipage en cas d’échec.

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Timbre-poste émis en 1934 représentant les trois pilotes décédés.

La catastrophe d’Osoaviakhim-1 est ainsi devenue un exemple des tensions entre la réalité des défis de l’exploration stratosphérique et la narrative politique préconçue.

Cette tragédie a également laissé son empreinte significative sur les projets stratosphériques soviétiques suivants. Les leçons tirées de cette expérience ont conduit à des améliorations des procédures de sécurité et des équipements de survie pour les vols en montgolfière. Les mécanismes de dégagement rapide sont devenus une norme pour permettre une séparation rapide de la télécabine de l’enveloppe en cas d’urgence.

Malgré ces améliorations, les échecs et les accidents ont continué de hanter le programme stratosphérique soviétique, qui a finalement été abandonné en 1940.

La conquête spatiale a toutefois pris le relais, avec évidemment sa propagande associée.

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2 commentaires sur “La catastrophe d’Osoaviakhim-1 : tragédie dans la stratosphère soviétique”

    1. On est certain de rien, j’imagine que l’état des corps après cette chute vertigineuse n’a pas du permettre d’analyser correctement. La vitesse à la descente, les changements de pression, l’échauffement sont quelques élément parmi d’autres qui ont pu les tués avant qu’ils touchent le sol.

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