Vous jetez vos rognures d’ongles sans y penser ? En Chine, certains les conservent soigneusement… pour les revendre comme de véritables matières premières. Ce commerce aussi surprenant que réel mêle traditions médicales anciennes, débrouillardise économique et un soupçon d’insolite bien croustillant.
Crédit photo 2tout2rien (CC BY-SA 2.0).
De la poubelle à la médecine traditionnelle
A part les collectionneurs (j’ai en tête un vieil article sur la collection des rognures d’ongles que j’ai malheureusement supprimé depuis), on pensait tous que les rognures d’ongles finissaient au mieux dans la poubelle, au pire dans la moquette. Mais en Chine, elles peuvent carrément… se vendre.
Selon le média chinois Kankan News, une habitante du Hebei proposait ses rognures accumulées pendant plusieurs années à 150 yuans le kilogramme — soit environ 21 €. De quoi envisager de transformer votre coupe-ongles en machine à cash.
Pourquoi cet engouement ?
Parce que dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC), les ongles sont utilisés comme ingrédients thérapeutiques depuis des siècles.
On les réduit en poudre après lavage et séchage pour soigner, entre autres, les distensions abdominales infantiles ou certaines affections de la gorge.
Les textes traditionnels chinois, comme le Qianjin Yaofang rédigé à la dynastie Tang, évoquent déjà l’emploi des rognures d’ongles, brûlées puis mélangées à du lait maternel, pour soigner les enfants. La médecine coréenne ancienne recense également leur usage pour soulager divers maux, bien que cette pratique soit désormais marginalisée au profit d’autres ingrédients jugés plus sûrs.
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Les rognures d’ongles, un marché insolite mais bien réel
Un adulte produit en moyenne 100 g d’ongles par an. Pour atteindre un kilo, il faut donc… de la patience. Et des coupes régulières. Shridhar Chillal, l’homme aux plus longs ongles du monde, a donc un (tout) petit pactole au bout des doigts.
Le commerce concerne uniquement les ongles des mains : ceux des orteils n’ont pas la cote — même au marché de la MTC, il y a des standards.
Dans les années 1960, la pratique avait diminué avec la généralisation du vernis à ongles, qui rendait la matière inutilisable. Mais aujourd’hui, la demande persiste, et certains particuliers n’hésitent pas à vendre leurs rognures d’ongles en ligne. Les acheteurs sont particulièrement attentifs à l’absence de substances chimiques et à l’hygiène du produit, pour éviter toute contamination. D’ailleurs, les entreprises inspectent minutieusement chaque lot pour s’assurer de la conformité.
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Entre tradition, business et questions éthiques
Ce commerce étonnant repose sur une symbolique ancienne : dans plusieurs cultures, les fragments corporels (cheveux, dents, ongles…) sont investis d’une valeur mystique ou médicinale.
Mais d’un point de vue sanitaire, la collecte et la transformation d’ongles humains hors d’un cadre réglementé soulèvent des inquiétudes :
• Risques de contamination bactérienne ou chimique,
• Absence de traçabilité,
• Possibles dérives (exploitation de personnes vulnérables, ventes douteuses, etc.).
En Occident, ce type de marché n’existe pas — en dehors de cas très marginaux. Mais il existe d’autres circuits insolites, comme le commerce de cheveux humains ou les marchés curieux autour des dents de lait et des os anciens (notamment dans le monde de la collection ou de l’art). Certains font d’ailleurs des bijoux avec des dents et d’autres des vêtements en dents et en cheveux.
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Derrière chaque ongle coupé, une histoire à gratter
L’histoire de ces ventes d’ongles montre à quel point la frontière entre déchet et ressource dépend du contexte culturel. Ce qui peut sembler tabou ou répugnant dans une société peut, ailleurs, avoir une véritable valeur symbolique, médicinale ou économique.
En observant ces pratiques inattendues, on découvre des passerelles fascinantes entre croyances populaires, traditions médicales, commerce et biologie humaine.
Sources pour aller plus loin
• Oddity Central
• NewsAlert
• Telegrafi
• Asia Business Daily
• SCMP
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