À la Belle Époque, on n’avait ni stories, ni pop-ups, ni pubs ciblées “vous avez regardé une bouilloire, voici 300 bouilloires”. On avait mieux : l’affiche. Et dans la Vienne fin-de-siècle, Adolf Karpellus (1869–1919) fait partie de ceux qui ont compris très tôt que le papier collé sur un mur pouvait être aussi moderne qu’un bon slogan… et bien plus élégant qu’un bandeau cookie.
Kakao Meinl, 1896
Adolf Karpellus, entre peinture… et “art pour vivre”
Né en 1869 à Nowy Sącz (alors dans l’Empire austro-hongrois) et mort à Vienne en 1919, Adolf Karpellus se forme sérieusement : Académie des beaux-arts de Vienne (notamment avec Christian Griepenkerl), puis passage par Paris et l’Académie Julian. Ce détour parisien n’est pas un simple voyage d’artiste : à Paris, l’affiche est déjà un langage publicitaire mature, et Karpellus en revient avec l’envie de faire du mur un média à part entière.
Karpellus n’est pas uniquement affichiste. Il peint aussi (portraits, scènes de genre, natures mortes), illustre, et publie notamment des dessins dans la revue satirique viennoise Figaro. Mais il produit énormément d’images “utiles”, celles qu’on appelait parfois Brotkunst (“l’art pour le pain”) : des commandes qui payent le loyer, et qui, chez lui, finissent souvent par devenir… de très bonnes affiches.
Ce qui rend les affiches d’Adolf Karpellus intéressantes aujourd’hui, c’est leur équilibre : une base picturale solide (personnages crédibles, atmosphère, volume), mais une vraie intelligence graphique (silhouettes lisibles, contrastes, texte intégré, composition qui “claque” sans hurler). Le résultat : des images accessibles, immédiates, et paradoxalement modernes.
Une modernité viennoise qui dialogue avec l’Art nouveau
Quand on parle d’affiche fin-de-siècle, beaucoup pensent tout de suite à Alphonse Mucha. D’ailleurs, si vous aimez les grandes compositions décoratives et la magie de l’Art nouveau, je vous conseille de garder sous le coude cet article de 2tout2rien.fr : “Affiches vintage d’Alphonse Mucha” . Mucha, c’est l’ornemental somptueux ; Karpellus, lui, se situe souvent dans une efficacité plus “publicitaire”, tout en restant élégant.
Dans le même esprit Belle Époque, vous pouvez aussi faire le parallèle avec d’autres maîtres de l’affiche déjà traités sur le site, histoire de replacer Adolf Karpellus dans un panorama cohérent :
• Pour une Belle Époque plus théâtrale et narrative, regardez “Georges Gaudy : affiches de la Belle Époque”.
• Pour une veine Art nouveau très “affiche de salon”, “Henri Thiriet” fonctionne très bien.
• Et si vous aimez les affiches de spectacles avec une énergie très française, “Hugo d’Alesi” complète parfaitement la galerie.
• Enfin, côté Belgique, “Henri Privat-Livemont” est un excellent pont entre illustration, design et sensualité Art nouveau.
Des produits du quotidien aux affiches de guerre
Karpellus a travaillé pour des marques et objets très variés : boissons, produits alimentaires, peinture/vernis, et même photographie. C’est aussi ce qui rend sa production attachante : elle documente l’époque “au ras du trottoir”, quand la modernité entre dans les foyers par la consommation.
Mais l’histoire accélère. Pendant la Première Guerre mondiale, Adolf Karpellus réalise également des affiches liées à l’effort de guerre, notamment pour des emprunts de guerre. Là, le ton change : l’affiche devient un outil de mobilisation, souvent émotionnel, parfois martial — et toujours pensé pour frapper vite.
Un artiste prolifique (et bien social)
Karpellus ne se résume pas à l’affiche : il peint aussi (portraits, paysages, natures mortes, scènes de genre) et illustre, notamment pour la revue satirique viennoise Figaro.
Il fréquente des cercles d’artistes (dont le “Siebenerclub”, au Café Sperl) et, en 1905, devient membre du Künstlerhaus, qui lui consacre une présentation de ses affiches la même année. Après sa mort, une présentation commémorative montre 21 de ses peintures en 1920.
Il reçoit aussi une médaille d’État pour un “Portrait de la mère”, signe qu’il est reconnu au-delà de la simple commande commerciale.
Voici quelques affiches Belle époque et plus tard par Adolf Karpellus :
Sources pour aller plus loin
• Austrian Poster
• Wikipédia
• Vintage Every Day

























