Imaginez un navire flambant neuf, équipé d’électricité (le must du XIXᵉ siècle), lancé à pleine vitesse sur la mer d’Arabie… et qui disparaît mystérieusement dans un cyclone. Pas de télégramme SOS, pas d’épave, pas même une planche flottante. Bien avant le naufrage du Titanic, l’Inde connaissait déjà sa tragédie maritime : le SS Vaitarna, surnommé le « Titanic indien » ou encore Vijli, (« électricité » en gujarati).
Le SS Vaitarna dans les docks de Grangemouth.
Un paquebot en avance sur son temps
Construit entre 1882 et 1885 par le chantier écossais Grangemouth Dockyard Co., le SS Vaitarna était une véritable vitrine technologique pour l’époque.
• Dimensions : 52 mètres de long pour 8 mètres de large.
• Propulsion : une machine à vapeur à deux cylindres de 73 chevaux, mais aussi des voiles, au cas où la vapeur aurait une baisse de motivation.
• Équipement : trois ponts, vingt-cinq cabines et un luxe rare pour 1885… l’électricité. Le navire brillait de mille feux avec ses ampoules, ce qui lui valut son surnom affectueux de Vijli.
À une époque où beaucoup de bateaux éclairaient encore au pétrole, embarquer sur le Vaitarna, c’était un peu comme prendre un TGV quand les autres roulent encore en diligence. Malgré ces innovations, le Vaitarna n’a jamais été conçu pour de longues traversées océaniques. C’était un bateau à vapeur côtier, destiné à naviguer de port en port par beau temps, longeant le littoral plutôt que de s’aventurer au large. En cas de forte houle, il était généralement amarré au port, à l’abri des furies de la mer.
Une traversée qui tourne au drame
Le 8 novembre 1888, le Vaitarna quitte Mandvi en direction de Bombay, avec environ 520 passagers, puis en aura jusqu’à 703 après escale à Dwarka.
Problème : une alerte cyclonique a été lancée. Mais le capitaine, confiant, décide de prendre la mer malgré tout. Mauvais choix. Le soir même, le navire est aperçu pour la dernière fois au large de Mangrol. Puis plus rien, disparu des radars comme avalé par un triangle des Bermudes indien.
Carte générée via un script, c’est une première pour moi, un peu d’indulgence! 🙂
Un cyclone impitoyable
Le cyclone de novembre 1888 a balayé la côte occidentale de l’Inde avec une violence rare. Le Vaitarna, conçu pour des trajets côtiers et non pour affronter des tempêtes d’une telle ampleur, n’avait aucune chance.
Les enquêtes révèleront un manque cruel de sécurité :
• trop peu de canots,
• pas de gilets de sauvetage,
• et des instruments météo défaillants.
Résultat : environ 740 victimes, peut-être plus de 1 000 selon certains récits, les bateaux ayant tendance à charger plus de personnes que prévu. Un bilan effroyable, mais tombé dans l’oubli à l’ombre du Titanic.
Le Titanic indien dans la mémoire collective
Contrairement au Titanic, dont on peut admirer les vestiges dans des expéditions modernes (voir cette vidéo de l’épave du Titanic sous-marin), le SS Vaitarna n’a laissé aucune trace physique.
Il a pourtant nourri une riche culture populaire :
• des chants gujarati comme Vijli Vilap,
• des nouvelles et poèmes inspirés du drame,
• et même un projet de film (Vijli: Mystery of the Phantom Ship), annoncé en 2017 mais jamais réalisé.
Navire moderne, capitaine sûr de lui, avertissements ignorés et disparition totale: l’histoire du SS Vaitana a tout d’un scénario de cinéma pour un film catastrophe maritime plus dramatique que l’histoire de Carl Emil Pettersson.
Conclusion : un Titanic avant l’heure
Le Titanic indien a sombré 24 ans avant celui de l’Atlantique. Moins connu, moins documenté, mais tout aussi tragique. Si le Titanic a marqué les mémoires grâce à ses épaves, ses commémorations et ses films, le Vaitarna n’a survécu que dans les légendes, les chansons et l’imaginaire populaire.
Un rappel que la mer garde ses secrets, et que parfois, même un navire « moderne » peut disparaître corps et biens, englouti par une tempête que rien n’arrête.
Sources pour aller plus loin
• Amusing Planet
• Wikipédia
• The Week
Epave au fond des eaux, découvrez également celle de l’Ironton au fond du lac Huron.