La dionée attrape-mouche (Dionaea muscipula), star incontestée des plantes carnivores, ne se contente pas de piéger des insectes avec ses mâchoires spectaculaires. Elle développe également une fleur blanche à longue tige qui, loin d’être un détail esthétique, joue un rôle vital dans sa stratégie de reproduction.
Plongeons dans les entrailles florales de cette plante aussi fascinante qu’efficace.
Dionaea muscipula Sol. ex J.Ellis. / atrapa moscas. par José María Escolano (CC BY-NC-SA 2.0).
La dionée, plante carnivore… et fleurie
Originaire des zones humides de Caroline du Nord et du Sud, la dionée est une plante vivace rare à l’état sauvage. Bien qu’elle soit surtout connue pour ses pièges redoutables en forme de mâchoires, elle fait aussi preuve de délicatesse : chaque année, au printemps ou au début de l’été, elle développe une hampe florale dressée, parfois jusqu’à 30 cm de haut. Au sommet trônent de petites fleurs blanches, marquées de nervures vertes.
Venus par David (CC BY-NC-SA 2.0)
Mais pourquoi cette tige si longue ? Ce n’est pas un caprice de diva végétale : c’est une stratégie de survie. En éloignant les fleurs des feuilles carnivores, la dionée protège ses pollinisateurs – généralement des abeilles, coléoptères ou papillons – de ses propres pièges.
Venus Flytrap Flower Stalk par ATIS547 (CC BY-NC-SA 2.0).
Une plante pragmatique, donc, qui sait séparer l’apéro du dîner: la fleur ne tue donc pas les insectes qui permettent la pollinisation de la plante, à la différence de son piège en mâchoires.
Selon National Wildlife Federation:
Les dionées attrape-mouches sont des plantes vivaces, ce qui signifie qu’elles fleurissent année après année. Les fleurs sont blanches avec des veines vertes qui courent de la base du pétale vers les bords. Les fleurs pollinisées finissent par donner naissance à des graines. Chaque piège sur la plante ne peut s’ouvrir et se fermer que plusieurs fois avant de mourir et de tomber. La plante produit alors un nouveau piège à partir de ses tiges souterraines. La durée de vie de la dionée attrape-mouches n’est pas connue avec certitude, mais on estime qu’elle vit jusqu’à 20 ans, voire plus.
Venus fly trap and flower par David Jones (CC BY-NC-SA 2.0).
Le terrible piège de dionée attrape-mouche
Le mécanisme de la dionée est l’un des plus rapides du monde végétal. Lorsqu’un insecte effleure deux fois de suite les poils sensoriels situés à l’intérieur des lobes, une impulsion électrique provoque la fermeture éclair du piège. Après quelques jours de digestion, la feuille rouvre ou noircit, selon l’usure.
Mais attention à ne pas confondre la dionée avec ses cousines géantes, comme les Nepenthes, capables de capturer des petits vertébrés. La dionée, elle, se limite aux insectes qu’elle attire dans ses feuilles en forme de mâchoire avec du nectar.
Dionaea muscipula with march fly prey DroseraceaePlants with Bite_Greg Bourke par Royal Botanic Garden Sydney (CC BY-NC-ND 2.0).
Elle n’est pas dangereuse pour l’homme, même si son contact peut toutefois être désagréable notamment sur la langue. Mais pour les insectes sa mâchoire est bien plus redoutable que celle de la gueule de tigre, Faucaria tigrina.
Chaque piège ne fonctionne qu’un nombre limité de fois (3 à 5 cycles), avant de faner et de laisser place à un nouveau, issu du rhizome souterrain.
Dionaea muscipula par Adam B. (CC BY-NC-ND 2.0).
Charles Darwin s’intéressait aux plantes carnivores et décrivait la dionée attrape-mouche comme « l’une des plantes les plus merveilleuses du monde » .
Doh! par DrWurm (CC BY-NC-SA 2.0).
Voici une vidéo d’une Vénus attrape-mouche en action:
Voir également différentes plantes carnivores en action ici.
Reproduction : comment la dionée perpétue son espèce
La reproduction se fait principalement par graines, produites après pollinisation croisée. Les fleurs sont hermaphrodites, mais l’autopollinisation donne peu de graines viables. Elle peut aussi se multiplier par division du rhizome ou par culture in vitro (utilisée pour la sauvegarde des espèces menacées).
Les graines germent en 4 à 6 semaines, à condition d’être fraîches, exposées à la lumière et maintenues sur substrat humide à température douce.
Culture en intérieur de la dionée attrape-mouche
Bonne nouvelle pour les amateurs de verdure curieuse : la dionée, parfois appelée attrape-mouche de Vénus, se cultive très bien en intérieur, à condition de respecter quelques règles d’or.
• Lumière : la plante a besoin de beaucoup de lumière, idéalement 4 à 6 heures de soleil direct par jour. À défaut, une lampe horticole LED à spectre complet est indispensable.
• Substrat : on oublie le terreau universel ! La dionée a besoin d’un mélange acide et pauvre en nutriments, typiquement 70 % de sphaigne blonde (ou tourbe) et 30 % de perlite ou de sable de quartz.
• Arrosage : uniquement à l’eau de pluie, déminéralisée ou osmosée. L’eau du robinet est trop calcaire. On place le pot dans une soucoupe constamment remplie de quelques centimètres d’eau, surtout en été.
• Température et humidité : elle tolère bien les températures d’appartement, entre 20 et 30 °C. L’humidité idéale se situe entre 50 et 70 %.
• Hivernage : entre novembre et février, la plante entre en dormance. Elle doit être placée dans un lieu frais (5 à 10 °C) avec moins de lumière et peu d’arrosage. Les pièges noircissent : c’est normal. On taille ce qui est sec et on patiente.
Outre son esthétisme, la dionée attrape mouche apporte bien sûr un contrôle naturel des insectes, réduisant leur présence dans les maisons.
Dionaea muscipula il fiore par Maurizio (CC BY-ND 2.0).
Conservation et menaces
La dionée est classée comme vulnérable dans son milieu naturel. Elle est protégée par la Convention de Washington (CITES), et sa cueillette dans la nature est strictement interdite. Le braconnage reste malheureusement courant : chaque année, des milliers de plantes sont illégalement prélevées.
Heureusement, la culture légale permet aujourd’hui de la diffuser largement sans porter atteinte à ses populations naturelles.
Dionaea muscipula in flower par David McAdoo (CC BY-NC 2.0).
Pour aller plus loin
• National Wildlife Federation
• Enerzine – étude sur l’électricité de la plante
• Royal Botanic Gardens Kew
Dionaea muscipula par CARNIVORASLAND (CC BY-ND 2.0).
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